Comment estimer le taux de défectueux dans un lot ?
Dernière modification : 18.06.2020
La réalité quotidienne...
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Tous les jours, les opérateurs de production et le personnel de laboratoire procèdent à de nombreux
contrôles.
- Les résultats des mesures sont saisis dans un tableur [vous pouvez utiliser Calc, de Libre Office - ou un de ses concurrents payants, si vous avez de l'argent à dépenser ;D ]
- On calcule des moyennes, on repère parfois les extrêmums (maximum et minimum), et on va même de temps à autre jusqu'à calculer l'écart-type...
- Et bien entendu, on en tire des conclusions sur la conformité d'un lot (que ce soit un lot de matières premières que l'on doit agréer, ou un lot de produit fini à livrer chez un client).
- De temps à autre, on constate que le lot rentré n'était finalement pas conforme - mais comme on a payé le fournisseur, le service achats ne veut plus rien faire (*). Avec une fréquence semblable, un client envoie une réclamation, car le lot qu'il a reçu n'était pas conforme à la spécification, bien qu'il ait pourtant été validé par le contrôle...
- Dans ces deux cas, la direction vient demander des comptes au contrôleur, avec un couplet qui ressemble à "à quoi sert donc ce système de contrôle, qui coûte cher, qui induit des attentes longues, et qui ne voit pas les défauts lorsqu'il y en a ?" (*)
- Et le contrôleur de regarder le bout de ses chaussures : il a pourant suivi le mode opératoire...
(*) Nous sommes ici en présence d'une caricature, qui n'a pour objet que de faire ressortir la problématique. Je ne veux faire de procès d'intention à personne... Je ne cherche querelle ni aux acheteurs, ni aux directions !
Où est le problème ?
- On peut imaginer de nombreuses causes possibles à ce problème :
- le personnel n'est pas compétent (ou pas formé) pour réaliser l'analyse
- le matériel n'est pas adapté (pas "capable", ou mal entretenu, ou défectueux)
- les réactifs sont périmés
- le mode opératoire n'est pas adapté, ou mal rédigé
- etc.
- Nous allons considérer pour la suite que le problème n'est pas là : les résultats proviennent d'une analyse adaptée, réalisée par du personnel compétent utilisant un matériel adapté dans un local adéquat, en suivant un mode opératoire validé et bien écrit.
- Le problème vient bien souvent du fait que l'on ne sait pas, en contrôlant un échantillon, traduire les résultats pour le lot qui a été échantillonné. Imaginez le cas suivant :
- Sur un lot de taille quelconque (1 000 ou 100 000 pièces, cela n'a pas d'importance), on prélève 3 pièces que l'on contrôle
- Ces 3 pièces sont conformes, au milieu de la spécification, en un mot : parfaites!
- Sans chercher plus loin, on va déclarer le lot conforme
- Et très souvent on aura raison d'agir ainsi - si on maîtrise bien son processus, et s'il n'a pas dévié alors il n'y a "pas de raison" pour que les autres pièces soient bien différentes de celles qui ont fait l'objet du contrôle.
- Mais lorsqu'il s'agit de contrôler un lot reçu, on n'a aucune information sur l'historique du lot...
- Pourtant... cette approche efficiente n'est pas une garantie tous risques. Imaginons que le lot fasse 10 000 pièces, et qu'il contienne 50 % de pièces défectueuses (mais indifférenciables à l'aspect), soit un mélange homogène de 5 000 pièces conformes et de 5 000 pièces non conformes.
- La probabilité pour que la première pièce soit conforme est de 5 000 / 10 000
- La probabilité pour que la seconde pièce soit conforme est de 4 999 / 9 999
- La probabilité pour que la troisième pièce soit conforme est de 4 998 / 9 998
- La probabilité pour que les trois soient conformes est donc de 5 000 / 10 000 x 4 999 / 9 999 x 4 998 / 9 998, soit 0,12496 ou sensiblement 12.5%.
- Une probabilité de 12,5% est très élevée ! Une chance sur 8 ! En ne contrôlant que 3 pièces, on peut facilement déclarer conforme un lot qui contient 50% de défectueux !
Si seulement quelqu'un savait utiliser les statistiques !
Une limite à cette approche
- L'approche décrite ci-dessus ne fonctionne bien que lorsque l'on a des taux de défectueux élevés, c'est à dire supérieurs à 0,5 %. Avec les niveaux de non-conformes exprimés en ppm (en "parties par million" ou "pièces par million", avec 1 ppm = 0,0001%), la variable de Snedecor n'est plus utilisable
- Vous devrez alors garantir la conformité au travers d'approches différentes, comme la maîtrise de la qualité, ou l'assurance de la qualité. Il n'est plus question de produire puis de contrôler, mais bien d'être en mesure de garantir que ce qui va être produit sera conforme, puisque vous maîtrisez la conception, les approvisionnements, les manières de faire, la compétence du personnel, la capabilité des moyens de production et de contrôle, etc, etc.
- En pratique, tout se tient !
On peut aussi utiliser une autre méthode...
- Les statistiques étant une science de l'estimation, il existe souvent plusieurs méthodes pour obtenir des résultats proches. Ainsi, pour estimer l'intervalle de confiance d'une proportion, on peut utiliser l'approximation avec la Loi Binomiale. Pour cela il faut disposer d'une estimation ponctuelle de la proportion. On va faire une mesure, sur le lot : on prélève un certain nombre de pièces et on recherche les individus présentant le caractère recherché (ici, on recherche les individus non-conformes).
- On calcule alors la proportion (soit p = k/n avec k = les individus non-conformes et n = le nombre de pièces examinées>). Cette proportion suit une distribution binomiale de moyenne p et de variance p(1-p)/n).
- L'écart-type sp = √(p(1-p)/n) donne directement l'erreur type sur la moyenne.
- L'intervalle de confiance sur la proportion moyenne de défectueux sera donc [ p ± √(p(1-p)/n) ]
- Application numérique :
- taille de l'échantillon n = 100 individus
- nombre de pièces non-conformes observés k =2
- proportion de défectueux p = 2% (c'est une estimation ponctuelle)
- erreur type = √(p(1-p)/n) = √(0.000196) = 0.014
- p appartient donc à l'intervalle [0.02-0.014 - 0.02+0.014], soit à l'intervalle [0.006 - 0.034], ou encore à l'intervalle [0.6% - 3.4%]. L'amplitude est loin d'être négligeable...
- Attention : si vous ne trouvez aucun non conforme dans votre échantillon, vous aurez p=0, et sp = √(1*0/100) = 0. Et avec une erreur type nulle, l'intervalle de confiance restera nul...