Méthode d'Analyse et de Résolution de Problèmes
Dernière modification : 12.12.2022
Besoin de méthodologie ?
- "Je fais une course cycliste et je double le deuxième. Quelle est alors ma position ?" Je suis deuxième, bien sûr, et pas premier (comme on le dit souvent, par réflexe). Pour être premier, il faut que je double celui qui occupe actuellement cette place !
- Pourquoi répond-on parfois (souvent) de manière impulsive, sans prendre les quelques secondes de réflexion qui nous permettraient d'éviter le piège ?
La réponse est à la fois simple et navrante : si nous ne nous sentons pas concernés par la question posée, nous avons tendance à donner tout de même une réponse, il suffit pour cela qu'elle présente l'apparence d'une réponse plausible.
- Dans un environnement professionnel, ce genre de situation ne devrait jamais se présenter ! Les sollicitations pour répondre à des problématiques pour lesquelles nous n'avons pas d'intérêt sont pourtant nombreuses.
Et le risque existe donc de répondre "à côté", simplement par manque d'attention. Mais si nous avons une position hiérarchique, ou fonctionnelle telle que notre réponse entraîne des actions, alors il est possible que la désinvolture engendre des coûts inutiles, des gaspillages, pour l'employeur.
- Ce qu'il faut à tout prix éviter, c'est l'approche de l'enfant qui déclare "papa, j'ai un problème, il me faut un tournevis !" Si ce jeune homme a un problème, il lui faut ... résoudre ce problème. Le tournevis n'est qu'un outil qui pourra peut-être lui permettre d'appliquer une solution à son problème. Ce n'est en aucun cas la solution de son problème...
La méthode, ses limites et ses enjeux
- La Méthode d'Analyse et de Résolution de Problèmes (ou MARP) est une méthodologie à la fois puissante (elle permet de résoudre des situations embrouillées depuis parfois des années); facile à maîtriser (son apprentissage ne dure que quelques heures) et peu contraignante (on pourra choisir parmi de nombreux outils disponibles pour chaque phase). Il est étonnant qu'elle ne soit pas plus souvent utilisée.
- Elle va s'utiliser dans les cas suivants :
- quand le problème est récurrent, qu'on le connaît depuis toujours
- quand le problème ne semble pas avoir de cause unique facile à identifier
- quand les différentes solutions essayées se sont avérées inefficaces...
- La MARP ne s'appliquera pas dans les cas suivants:
- le problème qu'on vous soumet relève de votre expertise individuelle. Mais attention ! vérifiez que nous n'allez pas répondre d'instinct à un problème qui est peut-être bien un peu différent de ce que vous avez l'habitude de faire !
- le problème était prévisible, on l'a laissé survenir (par exemple le moteur a grillé, mais la maintenance préventive n'était plus appliquée depuis plusieurs mois)
- L'urgence est impérieuse (un incendie s'est déclaré)
- Comme tous les outils d'amélioration, la MARP est une méthode qui ne s'utilise qu'en groupe. Un groupe MARP compte :
- de 5 à 8 personnes (moins de 5 : pas assez d'expertise; plus de 8 : le productivité diminue)
- des représentants de toutes les parties ayant à connaître du problème : production, maintenance, achats, bureau d'études, contrôle qualité, service qualité, mais aussi marketing ou commerciaux le cas échéant, voire même un fournisseur...
- des représentants des équipes de jour, de nuit; des opérateurs et des encadrants...
- mais surtout des individus qui accepteront d'échanger, et que leur vision des choses soit remise en cause.
Qu'est-ce qu'un problème?
- Commençons par le début ! Un problème c'est la mesure de l'espace qui sépare :
- une situation décrite comme idéale d'une part,
- et la situation actuelle, ressentie comme insatisfaisante, d'autre part.
- Résoudre le problème reviendra donc à supprimer cet écart (dans le meilleur des cas), ou en tout cas à le réduire de manière significative.
- On n'abordera pas ici le cas trivial consistant à décider que l'on va se satisfaire de la situation actuelle, c'est à dire que l'on va diminuer son niveau d'exigence. Mais on verra plus bas que c'est parfois une situation à envisager...
- Gardez toujours à l'esprit que le problème est donc par essence affaire de perception individuelle. Ce qui sera tout à fait acceptable pour l'un sera un problème pour l'autre.
Problème, difficulté, contrainte...
- Les trois notions que sont le problème, la difficulté et la contrainte sont parfois utilisées l'une pour l'autre. C'est une erreur, qui ne peut qu'obscurcir encore un tableau peu clair.
- Le problème, on vient de le voir, est affaire de représentation individuelle. D'une manière ou d'une autre, il génère des couts pour l'entreprise (pertes, inefficacité, sur-consommation, réclamations, retards, etc.) Un problème doit être réglé.
- Une difficulté est temporaire, passagère. Le plus souvent, la situation s'améliorera toute seule, ou en tout cas sans sans action de notre part. La difficulté doit être surmontée, puisqu'elle se présente sur notre chemin. Par exemple, des chutes de neige coupent une autoroute, les voyageurs passent la nuit dans un gymnase sommairement équipé. Pour le vacancier, le voyage aura été difficile, mais que peut-il engager comme action pour améliorer la situation ?
- La contrainte est encore autre chose. Non seulement on ne peut pas agir dessus, mais il faut accepter de "faire avec". La pluie mouille ? Oui. Vous n'y pouvez rien, et moi non plus. Si vous devez sortir sous la pluie, ça représentera une contrainte pour vous, et je vous recommande de l'intégrer comme telle, cela vous épargnera beaucoup de frustration.
Les quatre étapes principales
- La MARP se déroule en 4 étapes :
- poser le problème. Aussi surprenant que cela paraisse, dans de très nombreuses occasions, les personnes ayant à traiter d'un problème n'ont pas pris le temps de vérifier qu'elles parlaient de la même chose ! J'ai animé un groupe MARP avec des agents de maîtrise des 3 équipes (matin, après-midi et nuit) d'une usine tournant en 3 x 8 et assemblant une pièce à parir d'une dizaine de composants. Ils parlaient d'un problème qui n'avait qu'un seul nom, mais lorsqu'il s'est agi de le décrire, nous avons mis près de 2 heures avant de comprendre qu'il y avait en fait 3 problèmes disincts touchant la pièce en question :
- un problème de conception (une rondelle ne tenait pas dans son logement);
- un problème de fabrication chez un fournisseur (les pièces réceptionnées avaient des cotes fluctuantes);
- un problème de méthode (lors de l'assemblage, l'opération de vissage pouvait détruire la pièce).
Bien entendu, le message que ces responsables d'atelier envoyaient à leur acheteur et à leur bureau d'études (basés au siège, à 400 km) était passablement brouillé, les explications données et les descriptions faites devaient singulièrement manquer de clarté. Il n'est donc pas étonnant que les intéressés n'aient jamais rien entrepris pour résoudre ce problème multiforme.
J'ai également eu l'occasion de croiser des responsables dont le problème était principalement un problème d'ego ! La MARP ne peut bien entendu rien faire pour eux - si ce n'est leur faire prendre conscience que, tels Don Quichotte, ils pourchassent des moulins à vent. Un seul exemple, celui du responsable qualité dont le problème était "les opérateurs ne lisent pas les modes opératoires". Mais il a été incapable de mesurer l'importance de ce problème : il n'y avait ni coûts de non-qualité associés, ni insatisfaction clients. Son problème était un problème de reconnaissance : c'est lui qui avait écrit les modes opératoires, qui étaient peut-être bien inutiles.
Dans ce dernier cas, la MARP s'arrête. Le problème a disparu de lui-même, il ne mérite pas qu'un groupe de travail y consacre de l'énergie !
- rechercher les causes. Cette étape ne peut bien entendu s'appliquer qu'aux causes du problème décrit à l'étape 1. On s'attachera à identifier les causes profondes, les "causes racines" ou "causes assignables" du problème. Si par exemple j'ai un problème d'accidents de travail dûs à l'obscurité dans un couloir, je peux constater que mes ampoules électriques grillent les unes après les autres, et les remplacer au fur et à mesure. Mais identifier que la tension d'alimentation est trop élevée me permettra d'installer un transformateur, ou d'agir sur le fournisseur d'électricité, qui seront certainement des actions plus appropriées.
- trouver des solutions. Ces solutions seront adaptées à la cause racine identifiée à l'étape 2.
- proposer des plans d'actions. En toute rigueur, la MARP s'arrête là. En effet, il arrive parfois que les actions identifiées soient d'une grande ampleur, et doivent être sous-traitées (par exemple : il faut construire une station d'épuration ! Je vous recommande dans ce cas de ne pas faire l'emplette d'une pioche et d'une brouette et de commencer à creuser au petit bonheur... Faites plutôt appel à une entreprise spécialisée.)
Bien entendu, si l'action est réalisable par l'équipe MARP, elle s'en chargera.
Les quatres phases du CRIC
- Vous avez tous vu un cric, ce petit appareil simple et robuste, grâce auquel on arrive à réaliser des choses impossibles à imaginer si l'on était seuls.
C'est également l'acronyme des 4 phases qui sous-tendent chacune des 4 étapes précédentes. Pour mener à bien chacune des 4 étapes listées ci-dessus, on passera successivement par :
- une phase de collecte de l'information;
- une phase de réflexion, d'analyse qui permettra d'extraire de l'information collectée les éléments potentiellement utilisables;
- une phase d'isolement de l'élément principal. Pour la phase d'analyse des causes, ce sera la cause racine; pour la phase de recherche de solutions, ce sera la solution retenue.
- une phase de confirmation que l'élément isolé est bien le bon.
- La MARP, c'est donc une succession de 4 "CRICs". Les phases auront des durées très variables d'une étude à l'autre. Parfois, la collecte de l'information sera très rapide, mais l'analyse longue, parfois le choix de l'action sera facile, mais la confirmation de son efficacité sera difficile. Et parfois, ce sera le contraire !
Les outils associés
- Collecter de l'information ou des idées, mettre en forme, analyser, choisir, valider ... Toutes ces opérations ne doivent pas se faire sans méthode ! Et la méthode passe par des outils.
- Les outils traditionnels de la qualité seront toujours utilisables, mais il faudra également avoir recours aux outils permettant de travailler avec des idées, aux techniques de priorisation, etc. Le tableau ci-dessous vous indique quels outils sont utilisables à chaque phase
outils |
Collecter |
Réflechir |
Isoler |
Confirmer |
diagramme de Pareto | X | X | X | |
diagramme d'Ishikawa | X | X | | |
histogrammes de répartition | X | X | | |
diagrammes de corrélation | | X | | X |
diagrammes de stratification | | X | X | X |
QQOQCCP | X | X | X | |
5P (5 pourquoi ?) | X | X | | |
la SQFP | X | | | |
le brain-storming (le remue-méninges) | X | | | |
les matrices de décision | | | X | |
les cartes de contrôle | X | | | X |
les plans d'expérience | | | | X |
- Je ferai prochainement un dossier sur les outils ci-dessus, mais si vous souhaitez plus d'information, vous n'aurez aucune difficulté à trouver des explications sur Internet. Mes nombreux confrères vous ont préparé d'excellentes présentations.
Seule restriction : on voit parfois le diagramme d'Ishikawa présenté comme "l'arbre des causes", ce qui est absolument inexact ! l'arbre des causes est une technique qui permet de remonter à l'origine d'un accident précis, alors que le diagramme d'Ishikawa, ou diagramme causes-effet, liste les causes potentielles d'un effet déterminé.
Et les 8-D ?
- Les 8-D (pour "huit disciplines") représentent unen variante de la MARP, développée dans l'industrie automobile. Les "disciplines" ne sont qu'un enchaînement d'étapes; les outils permettant d'identifier les causes ou de choisir les solutions étant les mêmes que pour la MARP.
- Sélectionner l'équipe
- Décrire le problème
- Mettre en place (et valider) les actions intermédiaires
- Identifier les causes profondes :
- identifier les causes potentielles
- choisir les causes possibles
- a-t-on une cause profonde ? Si oui, passer à d ; sinon, remonter en b
- identifier les actions correctives possibles
- Vérifier les actions correctives
- Mettre en place les actions correctives définitives
- Prévenir la réapparition du problème
- Valoriser le travail de l'équipe
- On constate quelques différences entre MARP telle que je l'ai décrite, et les 8-D. Mais elles restent assez
anecdotiques. On signalera toutefois :
- Le point 3, qui rappelle que le plus important est de protéger le client. Il faut donc mettre en place le plus tôt possible les actions palliatives qui permettront de travailler en mode dégradé, mais en maîtrisant tout de même les choses.
- Le point 7, qui insiste sur le fait que la solution du problème passera toujours par de la formation, par de la formalisation des manières de faire, etc.
- Le point 8 enfin, typiquement anglo-saxon, et qui a tant de mal à "passer" en France. Pourtant, la reconnaissance ne rime ni avec un diplôme de l'employé du mois, ni avec une prime en espèces. La reconnaissance, ça peut aussi être un article dans le journal d'entreprise; ou une visite chez un fournisseur, ou un déplacement dans une autre usine du groupe, pour échanger sur le problème résolu, ou de la formation, etc. Demandez à l'intéressé ce qu'il aimerait obtenir !
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