Edwards Deming, ou la qualité au service de la compétitivité
Dernière modification : 26.12.2022
W. Edwards et la roue de Deming
Né en 1900 et mort quatre-vingt-treize années plus tard, l'américain William Edwards Deming est « le » gourou de la qualité. Physicien théoricien de formation, il pratique dans les années 30 la statistique dans une station de recherche agronomique, puis au bureau du recensement. Pendant la deuxième guerre mondiale, il exerce ses talents de statisticien auprès de l'industrie de l'armement, puis - et c'est là qu'il a gagné ses galons de consultant émérite, au Japon. Il est tellement reconnu là-bas que le prix de la qualité japonais porte son nom !
On lui attribue même, sous le nom de "Roue de Deming" ce que lui appelait le cycle de Shewhart, le fameux PDCA (Plan – Do – Check – Act, ou Planifier, Déployer, Contrôler, Agir), simplement parce qu'il l'a cité dans un livre ! D'ailleurs, vers la fin de sa vie, il a souhaité faire évoluer son cyle vers le " P-D-S-A " pour "Plan, Do, Study, Act". Le "Study", ou "étudier" reflète le fait qu'on peut utiliser le cycle sans avoir un réel objectif en tête : on va seulement tenter une expérience. Alors, on ne pourra pas véritablement contrôler le résultat obtenu. Mais on peut l'étudier, analyser ce qui a été obtenu. Ensuite, on décide d'une action. Si le résultat est positif, on peut valider la mise en place définitive, voire même aller plus loin, ou transférer l'idée à un autre secteur. Dans le cas contraire, on reviendra en arrière. Et si on avait un objectif, la phase "Sutdy" accueille sans difficulté le traditionnel contrôle.
Un moyen d'intègrer ce "Study" dans le traditionnel PDCA, est d'utiliser les mots Préparer – Déployer – Comprendre – Améliorer.
La seule erreur à ne pas commettre, c'est de mettre une cale sous la roue. Pourquoi ? Oh, simplement parce que :
Deming n'en a pas mis – ce serait une raison suffisante à elle seule ;
Il n'y a guère qu'en France qu'on ajoute une cale. Je sais bien que nous aimons avoir raison contre tous, mais on peut aussi réfléchir à la raison qui nous pousse à nous isoler de la sorte ;
Lorsqu'on observe ce qui est inscrit sur cette cale, on voit à peu près tout ce que l'on peut imaginer : ISO, standardisation, certification, SMQ, audit, processus, procédures - et j'ai même lu "cale" ! À l'évidence, s'il y avait une justification à la présence de cette cale, ce serait la même partout, non ?
Une cale est contradictoire avec le principe d'amélioration continue. La cale donne l'illusion que l'on peut arrêter de faire des efforts, et que cela n'aura pas de conséquences fâcheuses. C'est bien entendu une grossière erreur...
C'est le titre français de l'ouvrage qu'il a publié en 1982 (sous le titre Out of the Crisis, une seconde édition ayant eu lieu en 1986). Partant du constat que les entreprises américaines sont mal placées face à leurs concurrentes japonaises, il annonce : "L'objectif de ce livre est la transformation du style de management américain. (…) Il n'est plus acceptable de jeter des salariés sur le tas des chômeurs. Les pertes de marché, et le chômage qui en résulte, ne sont pas prédestinés. Elles ne sont pas inévitables. Elles sont le fait de l'homme. La raison fondamentale de la maladie de l'industrie américaine et du chômage qui en découle est l'incapacité des dirigeants à diriger. Celui qui ne vend pas ne peut pas acheter. Les causes généralement citées pour l'échec d'une entreprise sont les couts de lancement, les dépassements de couts, la dépréciation de stocks, la concurrence – tout sauf la vraie raison, purement et simplement le mauvais management."
Dans le livre de Deming, de nombreux exemples d'application des outils statistiques, mais surtout les 14 points du management et les 5 maladies mortelles des entreprises.
Aujourd'hui, la crise est toujours là. Les entreprises souffrent, les salariés aussi - et je ne parle pas des chômeurs ni de la Nation tout entière. Tout le monde espère une amélioration de la compétitivité, mais il semble que la méthode pour cela soit floue, voire inexistante.
La recette est pourtant connue : il faut (mais il ne suffit pas) garantir, sur le long terme, la satisfaction du client. La qualité n'est que cela. En ce qui concerne le client actuel, le concept est assimilé, mais lorsqu'il s'agit du client de demain, l'affaire se complique...
Bien entendu, certaines entreprises – certains chefs d'entreprise – peuvent aller beaucoup plus loin, en mettant en place un modèle d'excellence. Cela aussi est une autre affaire.
Ce dossier va reprendre les 14 points fondamentaux cités par Deming pour redonner aux entreprises la compétitivité qui leur manque en ces temps de crise. Je ne fais que peu d'analyse, le texte de l'ouvrage étant suffisamment explicite et percutant.
C'est l'entame du livre, les points essentiels que doit satisfaire le nouveau modèle de management que Deming veut voir adopter par les entrepreneurs américains, afin que leurs entreprises regagnent de la compétitivité. Je prends ici, pour les titres, la traduction de l'association française Edwards Deming
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Gardez le cap de votre mission en améliorant constamment les produits et les services. Le but d'une entreprise est de devenir compétitive, d'attirer des clients et de donner du travail.
Deming insiste sur l'existence de 2 catégories de problèmes : ceux d'aujourd'hui et ceux de demain. Si on arrive généralement à s'occuper des problèmes du jour, ceux de demain nécessitent que le comité de direction abandonne la recherche du profit rapide, pour la création de la constance de l'objectif ("constancy of purpose"). Les profits du trimestre à venir ne sont rien comparés à l'existence même de l'entreprise dans 20 ou 30 ans… Pour cela, il faut innover, fournir des ressources dans la recherche et la formation, et améliorer sans cesse la conception du produit.
Lorsqu'on passe cet objectif au crible du management actuel, on voit qu'on est loin de l'objectif ! Dans les années 80, l'entreprise qui m'employait demandait un retour sur investissement inférieur à la durée d'amortissement comptable, soit 7 ans. Une rentabilité assurée sur 5 ans était accueillie très favorablement. La logique était simple : chaque franc économisé était bon à prendre. Aujourd'hui, ans le groupe qui a repris cette entreprise, pour qu'un investissement puisse être décidé au niveau d'une filiale (pas d'une usine ou d'un service, d'une filiale nationale) , donc sans passer par la direction industrielle « monde », le retour sur investissement doit être inférieur à 12 mois. Cela ne signifie pas qu'on ne peut plus investir, mais simplement que l'investissement sur le long terme est nettement défavorisé. Pour les salariés, c'est un signal trè négatif : la direction ne se projette pas au-delà de 12 mois.
Un outil au service de la communication sur le but : écrire la politique qualité – en prenant soin de ne pas rester généraliste. La politique qualité doit absolument parler de l'entreprise, de ses clients, de ses projets.
Adoptez la nouvelle philosophie. Nous sommes dans un nouvel âge économique. Les dirigeants occidentaux doivent s'informer de leurs nouvelles responsabilités et conduire le changement.
C'est l'objet de tout le livre. Le salut ne peut pas arriver de changements à la marge ; il passera par une révolution culturelle des dirigeants. Et il fait une longue liste : « Nous ne pouvons plus accepter le niveau d'erreurs, de défauts, de matières premières non adaptées, de travailleurs qui ne connaissent pas les tâches à accomplir et n'osent pas demander, de dommages lors de manipulation, de méthodes de formation inadaptées, de supervision inadéquate et inefficace, de management qui ne soit pas ancré dans l'entreprise, de nomadisme professionnel des cadres, de bus ou de trains qui ne démarrent pas parce que le conducteur ne s'est pas présenté ».
Il donne également l'exemple de l'instruction reçue par un de ses amis pour un déplacement au Japon : « 09 h 03 : montez dans le train. Ne vous souciez pas de ceux qui partent à 9 h 01 ou à 8 h 58. À 9 h 57 : descendez ». La concision et l'efficacité de cet exemple me laissent pantois d'admiration.
Une grosse difficulté : les managers ont souvent de la difficulté à accepter l'idée qu'ils ont des problèmes. Or, résoudre les problèmes est précisément ce que l'on attend d'un leader.
Point 3 - Ne vous reposez pas sur le contrôle final
Faites en sorte que la qualité des produits ne demande qu'un minimum de contrôles et de vérifications. Intégrez la qualité au produit dès la conception.
Inspecter systématiquement la production à 100% revient à accepter l'idée qu'il y aura des défauts, ce qui ressemble fort à la planification de ces défauts, à reconnaître que le process n'est pas et ne sera pas capable de produire les spécifications attendues. L'inspection finale ne permet pas d'améliorer la qualité ; elle est inefficace et coûteuse. En revanche, l'analyse d'échantillons réguliers et l'utilisation d'outils statistiques permet de garantir la maîtrise du process.
Abandonnez la règle des achats au plus bas prix. Cherchez plutôt à réduire le coût total. Réduisez au minimum le nombre de fournisseurs par article, en établissant avec eux des relations à long terme de loyauté et de confiance.
Le prix n'a pas de sens s'il n'est pas mis en relation avec la qualité du produit acheté. De plus, choisir toujours le moins disant conduit à des changements réguliers de fournisseurs, qui obligent à des modifications de réglages de process, qui peuvent prendre du temps et générer des produits non-conformes.
Dans le même temps l'expérience accumulée avec le fournisseur précédent est mise au rebut. L'expérience en question porte bien entendu sur le produit acheté, mais aussi sur la filière d'achats, d'approvisionnement, de dédouanement, et s'étend même jusqu'aux services comptables.
Enfin, il devient difficile de motiver les fournisseurs successifs à prendre en compte vos problèmes spécifiques et à adapter leur fourniture aux besoins de l'entreprise.
Au final, si la pratique permet généralement à l'acheteur d'atteindre son objectif individuel, l'impact sur l'optimum global de l'entreprise est souvent non calculé, ce qui évite de mesurer le cout net, toujours élevé.
Améliorez constamment tous les processus de planification, de production et de service, ce qui entraînera une réduction des couts.
Deming le répète tout au long de l'ouvrage, la qualité doit être conçue à l'intérieur du produit. Dès lors que les plans, le prototype, le lot d'essai quittent le bureau d'études ou le service Recherche de Développement, les dés sont jetés : si le produit est difficile à fabriquer, il y aura des défauts.
Deming insiste aussi sur les différences d'approche entre les industriels américains et les japonais. En Amérique, on s'attache à rentrer dans les spécifications ; au Japon, on s'attache à réduire la variabilité du produit fini. Cette seconde approche a bien entendu sa faveur. Il ajoute que chaque fois que c'est possible, on doit améliorer entre deux productions. « Chaque hôtel doit être meilleur que le précédent. Pourquoi répéter les mêmes erreurs ? »
Instituez une formation professionnelle permanente.
« Si vous pensez que la formation coute cher, essayez donc l'incompétence ! » Deming est partisan d'instaurer une formation permanente dans l'entreprise, à commencer par la formation de l'encadrement. Sur l'entreprise d'abord, « de la réception des matières premières au client », le problème central étant de comprendre les sources de variations. Les managers doivent s'attacher à éliminer tout ce qui empêche les opérateurs de travailler efficacement. Il faut aussi absolument éliminer les variations des critères d'acceptabilité, qui dépendent trop souvent de la difficulté que rencontre la production à terminer les commandes…
Bien entendu, les opérateurs, et surtout les nouveaux, doivent aussi être formés à leur métier.
Ce point n°6 est différent du point n°13, qui s'intéresse au développement des individus.
Instituez le leadership, nouvelle manière pour chacun d'exercer son autorité. Le but du leadership est d'aider les hommes et les machines à mieux travailler. Révisez la façon de commander.
Le travail des managers n'est pas de superviser, c'est le leadership. Deming ne définit pas vraiment ce qu'il entend par là, mais il donne des exemples : les managers doivent travailler sur les sources d'amélioration, sur « l'intention de qualité » du produit – et sur la manière de transformer cette intention en réalité dans le produit. Il recommande d'abolir le travail sur les éléments de sortie des processus (les cadences, les spécifications, les objectifs) et de le remplacer par le leadership, que j'associe à la conception et à l'organisation.
Il faut que l'opérateur (le « hourly worker », ce salarié précaire propre au système américain, titulaire d'un contrat à durée indéterminée, mais qui ne sais pas à l'avance combien il travaillera dans le mois ou même dans la semaine – donc combien il sera payé), il faut que l'opérateur, donc, puisse avoir des motifs d'être fier de son travail.
Chassez la crainte, afin que tout le monde puisse contribuer au succès de l'entreprise.
Encore un apport majeur de Deming. Rares sont les auteurs qui identifient la crainte, la peur d'être pris en défaut, comme une source de non-qualité, de non-efficience. Mais le constat est clair : « Personne ne peut donner sa meilleure performance s'il ne se sent pas en sécurité ». En sécurité, c'est-à-dire sans crainte d'exprimer ses idées, ou de poser des questions.
Si je connais mes limites, mais si je pense que les exposer va entraîner des conséquences négatives pour mon poste, ma rémunération, ma carrière, alors je peux légitimement considérer que masquer ces limites, dissimuler mes lacunes, représente un avantage pour moi. C'est bien entendu une erreur, l'avantage n'étant que très local et très limité dans le temps. Mais on le constate partout, et souvent !
Il faut donc permettre à chacun(e) d'alerter chaque fois qu'il ou elle n'a pas compris quelque chose (une consigne, un objectif, une décision), ou chaque fois qu'il ou elle pense avoir trouvé une opportunité d'amélioration, sans qu'il ne s'expose à des moqueries, des sanctions, ou même à de l'indifférence.
Détruisez les barrières entre les services. Le travail dans un esprit d'équipe évitera que des problèmes apparaissent au cours de l'élaboration et de l'utilisation des produits.
Rien de révolutionnaire ici, il ne s'agit que de rappeler que chacun possède un client dans l'entreprise, et que la R&D, comme les achats ne conçoivent et n'achètent pas uniquement pour le client final. La production doit pouvoir produire, le conditionnement doit pouvoir emballer, le laboratoire doit pouvoir contrôler, etc – sans que les couts ne deviennent insupportables. Or, je sais d'expérience (j'ai été responsable R&D) que la recherche d'optimum locaux (encore !) peut amener des déséquilibres préjudiciables au système global. Mais le jeu délétère des « centres de profits » indépendants les uns des autres rend de telles aberrations non seulement possibles, mais encore exemplaires (on félicite celui-ci pour sa performance, ce qui le conduit à recommencer, et ses collègues à l'imiter).
Supprimez les exhortations et les formules qui demandent aux employés d'atteindre le zéro défaut pour augmenter la productivité. Elles ne font que créer des situations conflictuelles.
L'époque où fleurissaient les posters et affiches couverts de slogans « qualité » semble révolue ; j'en vois de moins en moins. « Faire bon du premier coup », « la satisfaction de nos clients est notre première priorité, », « Je suis le premier élément de l'amélioration »... Tous ces messages avaient en commun une certaine ringardise et surtout un rejet quasiment systématique, chaque fois qu'ils étaient installés là où les opérateurs n'avaient pas les moyens d'atteindre les objectifs qualité.
Dans son livre, Deming fait un large usage des outils statistiques, et assène des vérités dérangeantes. Si par exemple, depuis plusieurs mois ou années, votre atelier génère 2% de rebut, que les valeurs sont distribuées selon la Loi Normale, alors, nous dit-il, il ne sert pas à grand-chose d'analyser les défauts. C'est le système qui est stable ; tout se passe comme s'il avait été conçu pour générer ce taux de défauts. L'amélioration ne pourra venir que d'une reconception, ou d'une modification profonde – hors de portée de l'opérateur.
Supprimez les quotas de production, ainsi que toutes les formes de management par objectifs. Ces méthodes seront remplacées par le leadership.
Cette recommandation a du mal à passer. Le management de la qualité passe nécessairement par la définition de processus, et ces processus doivent être pilotés. Pour cela, il faut des indicateurs, et chacun d'eux doit être relié à un critère, pour pouvoir prendre des décisions. Or les critères sont très souvent des objectifs. Comment alors s'en passer, et surtout pourquoi faudrait-il s'en passer ? Deming répond sur l'inutilité des objectifs d'activité. « Vous devez produire 20 tonnes par jour » est un objectif inapproprié. En effet, soit la ligne de production est faite pour produire 20 tonnes par jour (le processus est maîtrisé, la production est régulière), et l'objectif sera atteint, en moyenne, avec des variations prévisibles (et donc il est inutile de l'écrire); soit la ligne n'est pas capable de produire 20 tonnes par jour, et l'objectif ne fera que stresser inutilement le manager.
Pire, Deming montre que les objectifs individuels (ou d'équipes, chaque équipe réagissant alors comme un individu) conduisent régulièrement les individus à adapter leurs manières de faire à l'objectif. Plus question d'aider mon collègue, même si l'atelier (le service, la division) s'en serait mieux porté : si je n'atteins pas mon objectif, mon quota, je serai sanctionné. Et tant pis pour l'ambiance dans l'équipe.
Point 12 - Permettez aux salaries d'être fiers de leur travail
Supprimez les obstacles qui empêchent les employés, les ingénieurs et les cadres d'être fiers de leur travail, ce qui implique l'abolition du salaire au mérite et du management par objectifs.
Deming s'intéresse ici à une particularité du monde tu travail aux USA : le « hourly workers » (voir ci-dessus). La présence de ces salariés précaires créé deux groupes dans l'entreprise : ceux qui ont un salaire mensuel (ou bihebdomadaire) et les autres. Les « hourly workers » deviennent alors une variable d'ajustement dans l'équation de la production, une « commodité ».
Ne pas savoir, avant le jeudi soir si l'on travaillera le lundi suivant, et savoir que la décision est indépendante de son implication au travail, ou du niveau de qualité produite, est une source de stress inacceptable et une source de d'auto-dévalorisation. On pourrait faire le parallèle avec d'autres types de contrats courts en France (CDD d'une journée, ou contrats d'intérim).
Deming donne d'autres exemples, comme celui d'un opérateur qui demande à pouvoir arrêter sa machine pour faire une maintenance, et auquel son contremaître donne l'ordre de continuer à produire sans arrêter. « Il m'a demandé de produire des pièces non conformes ! » se désole l'opérateur. Si le superviseur, embauché, méprise ses clients, donc son travail, comment voulez-vous susciter de l'adhésion et de la loyauté de la part de l'intérimaire ?
Point 13 - Instituez un programme de développement personnel
Instituez un programme énergique d'éducation et d'amélioration personnelle.
Ce point ressemble au point no6, mais il est en fait très différent. Il s'agit d'organiser le développement individuel des personnels. On ne manque pas de bons travailleurs, on manque de travailleurs possédant une réelle expertise, nous dit Deming. Chacun doit, au-delà de son emploi et de son salaire, pouvoir s'élever en apprenant.
Ceci n'est pas facile, car l'organisation de la formation continue n'est pas toujours (loin s'en faut) pertinente ; pas plus pour l'entreprise que pour les salariés. J'aborde ceci dans un autre dossier.
Mobilisez tout le personnel de l'entreprise pour accomplir la transformation.
Il s'agit, après avoir pris connaissance des 13 points précédents, de concevoir puis de mettre en œuvre un plan d'actions qui permettra de transformer le modèle managérial des entreprises. Deming donne les grandes étapes :
Le management s'engage à transformer l'entreprise
Le management accepte l'idée que son engagement risque de susciter le rejet ou la marginalisation de la part de ses pairs
Le management communique largement dans l'entreprise le besoin de changer
L'organisation doit être revue pour identifier les processus, et les processus doivent faire l'objet de l'amélioration continue (c'est là que Deming présente ce qu'il nomme le Shewhart Cycle, que tout le monde appellera dès lors … la roue de Deming !).
Le management commencera le plus tôt possible, et à rythme soutenu, la construction de cette nouvelle organisation
Chacun peut faire partie d'une équipe ; une équipe a un client ; chacun peut proposer des idées d'amélioration des processus
Démarrez la mise en place d'une organisation dans laquelle le leadership sur la qualité et les statistiques sont au plus près de la direction générale.
En 1982, Margaret THATCHER, Premier Ministre Britannique, déclenche la guerre des Malouines, qui fera plus de 900 morts, mais assurera sa ré-élection. En Angleterre toujours, la petite Catherine voit le jour dans la famille MIDDLETON, nul ne s'imagine qu'elle deviendra princesse royale. Partick DEWAERE, Louis ARAGON et Georges PEREC décèdent. L'Airbus A300 est le premier avion commercial certifié avec seulement deux pilotes dans le poste de pilotage. Jean-Loup CHRÉTIEN est le premier français dans l'espace.
En 1982, 235 ordinateurs sont raccordés au réseau informatique Arpanet, ancêtre d'Internet. Thomson met sur le marché le TO7, Microsoft lance Multiplan, l'ancêtre d'Excel®. C'est l'année de sortie de Blade Runner, d'E.T. et de La Boum 2...
Le Thomson TO7 ? Le tableur Multiplan ? Le réseau Arpanet ? Des avions avec un officier mécanicien navigant ? Mais c'est (presque) la préhistoire ! Tout a changé depuis cette époque... En apparence, certainement. Les ordinateurs sont partout, plus rapides et plus connectés que jamais. Les avions font moins de bruit, ils consomment moins de carburant et ne sont plus réservés à une élite. De nouveaux acteurs, de nouveaux chanteurs, de nouveaux écrivains sont sur le devant de la scène.
Mais les entreprises travaillent-elles mieux ? Les clients sont-ils mieux servis, recherche-t-on leur satisfaction ? Les salariés peuvent-ils s'exprimer sans peur ? A-t-on aboli les objectifs individuels ? L'amélioration est-elle sur les rails ?
Je n'en suis pas certain. Je suis même persuadé du contraire. Les messages de Deming n'ont pas été entendus. La recherche frénétique des optimums locaux a conduit aux délocalisations massives que l'on connait. Le recours aux contrats précaires a diminué la connaissance de l'entreprise, de ses produits et de ses clients chez les acteurs de terrain. On achète au plus bas prix, on va même au-delà en sous-traitant le maximum de la chaine de création de valeur. Il n'y a plus que l'argent qui vaille que l'on s'y intéresse. Même les industriels traditionnels deviennent des banquiers ! Le redressement espéré, le retour de la compétitivité ne sont pas pour demain...
le concept de "qualité du management", qui fait remonter la responsabilité en matière d'efficacité du système de management au niveau de la direction générale – ce qui devrait rester une évidence pour tous !